Malgré mon goût immodéré du secret (et puisque certains le savent déjà), je me résous en ce début d’année, car cela ralentit de plus en plus mon activité littéraire, à révéler qu’au mois de septembre on m’a diagnostiqué une Sclérose Latérale Amyotrophique , dite aussi SLA mais sans doute plus connue sous le nom de maladie de Charcot ou de maladie de Lou Gherig.
vidéo symptômes et évolution
Cette SLAlope, qui ne dispose d’aucun traitement, est une maladie rare et orpheline (quoique de plus en plus fréquente) qui emmure progressivement en laissant l’esprit intact. Tel un shibari mortel, la maladie paralyse peu à peu tous les muscles, jusqu’aux respiratoires. A moins d’être branché de partout à des appareils qui vous nourrissent et vous font respirer, on ne peut y survivre. L’évolution fatale se fait pour la majorité des malades entre 3 et 5 ans, la médiane de survie étant même de 36 mois. Peu vivent plus longtemps et dans des situations de totale dépendance.
Je n’ai pas le goût du malheur ni du pathos. J’aime intensément la vie, la joie. Il s’agit donc pour moi de vivre dans l’urgence de chaque instant. La première atteinte dans mon cas sont les membres supérieurs, mains, bras, épaules, dos. A tout choisir j’aurais préféré les jambes. Lorsque mes mains ne vont plus vouloir du tout taper sur le clavier, mes bras refuser définitivement de se plier à ma volonté, je vais quand même faire un peu la gueule. Cette monstruosité fracasse l’existence et terrifie, me fracasse et me terrifie, mais c’est une expérience de vie sur laquelle j’ai commencé à écrire, non pas pour raconter la maladie, ça j’en serais bien incapable, c’est trop glauque, ça me fait flipper, non j’essaie plutôt d’extirper de la monstruosité ce qu’elle révèle de la vie et de la mort. Vous avouerez qu’être touchée par cette maladie alors que je me consacre à l’intime et aux choses du corps c’est quand même un comble. Y aurait-il des tenants et des aboutissants ?
Si vous êtes lecteur de ce blog, vous savez que je suis militante à l’ADMD. J’aime trop la vie pour la subir totalement paralysée, dépendante, sans pouvoir parler ni me nourrir. J’aime trop les miens pour leur ravir leur vie en les asservissant. Je ne peux imaginer mon corps emprisonné, jusqu’à ma bouche. Juste pouvoir bouger les yeux. J’ai pris mes dispositions, je refuserai toute aide de survie artificielle. En attendant, croyez bien que je bouffe la vie, lentement peut-être, mais bien en bouche, bien en cœur, bien en tête, bien en joie, plus que jamais à l’affût de ce qui bouscule les neurones et les certitudes, loin des tiédeurs et des fâcheux, et des cons, mais attentive à tous les autres, et à tout, jusqu’à la moindre goutte de pluie. Et puis parfois aussi il faut bien le dire, sur la contre-allée, dans une solitude absolue parce que personne ne peut me rejoindre dans cet exil intérieur qui fait son chemin à mesure que mes muscles et mes forces me quittent.
Tout ça pour vous expliquer que désormais, je ne chronique donc quasiment plus de livres. Mais je lis encore davantage. Je m’occupe toujours de la collection L’intime des éditions Numeriklivres, vous pouvez donc continuer à m’envoyer vos manuscrits, je prends juste plus de temps pour les lire, écrire mes mails, rédiger des articles. Personne ne peut prédire exactement dans combien de temps je ne serai plus opérationnelle, on sait juste que cela va arriver prochainement.
Voilà, ça, c’est dit. Passons à autre chose de plus excitant : en plus de mon manuscrit en cours d’écriture, je me lance dans le dessin et la peinture, je me suis toujours intéressée à l’art brut, je suis curieuse de voir ce que vont créer mes mains devenues malhabiles, puis lorsqu’elles seront carrément indociles. J’ai encore un peu de temps et plein de couleurs.
Pour mes vœux, c’est par-là
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