Lettre ouverte adressée le 15 juin 2017
Madame la ministre de la santé,
Vous avez déclaré lors d’un colloque en 2015 à propos de l’euthanasie, « À titre personnel, je suis en faveur de l’espace de liberté belge ». Or, Les questions d’ordre éthique et la légalisation du droit à choisir une aide à mourir ne sont pas, d’après Emmanuel Macron et selon ses propres termes, une priorité. Pourtant, une société ne peut pas se bâtir uniquement sur l’économie. Le président dit se contenter de faire appliquer la loi Léonetti, cette loi qui ne répond en rien au libre choix d’anticiper sa mort en cas de maladie incurable ou pour ne pas subir une douloureuse agonie, tant physique que psychologique.
Comme en témoignent dans les courriels qu’ils m’adressent depuis mon interpellation aux candidats de l’élection présidentielle, les centaines de familles qui ont accompagné leurs proches en service palliatif, la loi française stipule que le médecin et son équipe restent seuls décisionnaires de la mise sous sédation profonde du malade, même en cas de directives anticipées, s’ils les jugent inappropriées. Ce qu’affirme Mr Léonetti : un français n’est plus libre dès lors qu’il est malade, mais placé sous la tutelle médicale qui doit le protéger contre lui-même.
L’immense majorité des Français, et même des croyants, réclame ce droit pour chacun à disposer de soi jusqu’à sa mort : Il ne s’agit pas de vouloir imposer l’euthanasie ou le suicide assisté mais de donner la possibilité de les choisir dans le cadre d’une réglementation très stricte comme cela se fait en Belgique. Je peux témoigner de cet encadrement rigoureux puisque je suis suivie là-bas depuis plusieurs mois pour en bénéficier.
Acceptez-vous, Madame la ministre, vous qui êtes médecins, que sous votre gouvernance, vos concitoyens en fin de vie soient obligés dans une détresse absolue d’aller demander assistance aux pays voisins pour mourir loin de leurs proches, ou de se suicider dans la solitude ?
Acceptez-vous qu’en 2017 un gouvernement porté par le slogan En marche , oblige les Français en fin de vie à fuir leur pays comme les françaises ont dû le faire avant la légalisation de l’avortement ?
Pensez-vous recevable, Madame la ministre, l’argument des opposants au droit à choisir que légiférer sur l’euthanasie répondrai t à l’individuel et non au collectif quand il a été possible de légiférer sur le mariage pour tous ? Nous sommes tous mortels. Près de 600 000 morts par an, dont 200 000 pour cause de cancers. Notre société se compose bien d’individus avec leur singularité.
Pour vos concitoyens qui attendent qu’on leur reconnaisse, même malades, leur liberté, je sollicite très vite (il me reste peu de temps pour vous rencontrer) un entretien pour débattre avec vous de la nécessité de revenir sur cette loi Léonetti, ayant fait de mon combat personnel -déjà perdu- un combat collectif.
Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma sincère considération.
Anne Bert
Article du Parisien du 21 juin 2017
Article du Sud Ouest du 20 juin 2017

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