21 amants est le premier roman de l’humoriste québécoise Mélanie Couture. Ce livre a quasiment une valeur sociologique, il parle de sexe et de désir érotique de façon authentique sans recherche d’effet que ce soit stylistique ou érotique, c’est cru, souvent rigolo mais toujours au plus proche de la réalité. L’auteure, puisque québécoise, bien évidemment emploie des expressions, des mots et des tournures de phrases québécoises, cela confère au texte un charme supplémentaire pour les lecteurs français.
Mélanie Couture a exercé le métier de sexologue, on imagine donc que les confidences de ses patientes sont une mine d’or et qu’ elle maîtrise son sujet, mais il n’échappera pas aux lectrices et aux lecteurs que son héroïne lui ressemble aussi beaucoup. En préambule, l’auteure précise que des dîners bien arrosés avec ses copines lui ont fourni pas mal d’anecdotes.
Son texte militant ancré dans la réalité des femmes ne raconte pas de salade, vous n’y rencontrerez pas d’héroïne formatée beauté papier glacé qui quête son maître initiateur, ni de beau héros riche bien sous tout rapport, rien de tout cela mais une nana très chouette et très ronde nommée Charlie, qui apprend à s’aimer,, assume son corps replet et entend en jouir avec les hommes qu’elle se choisit. Et pas que des moches loin de là !
Charlie est donc la narratrice, elle a 35 ans, elle est célibataire et a quitté son job de psychologue pour se faire tatoueuse, c’est une femme plurielle comme nous le sommes toutes, à la fois indépendante, travailleuse, madone, amante aimante romantique et aussi femme libre de toute contrainte morale c’est à dire …pute comme les bonnes gens au cœur pur et au cul coincé disent. Pas question pour Charlie de choisir, elle sera tour à tour ces femmes, quand elle le voudra ou le pourra.
Avant de conter l’histoire de ses 21 amants, Charlie s’adresse à la lectrice (les lecteurs ne seront donc que témoins mais en prendront de la graine) pour lui expliquer sa vision de l’existence féminine.
….j’utilise souvent les
mots « pute » et « putain ». Je pourrais dire « diva » ou « déesse »,
mais contrairement aux auteures de romans à l’eau de rose,
je refuse d’envelopper mes pulsions sexuelles dans des
mots qui sentent la fleur. Le sexe, ça ne sent ni le lilas ni la
lavande. Le sexe, ça sent la sueur et les hormones. Rien qui
s’emballe dans du papier de soie, rien qu’on devrait servir
avec des gants blancs. Le sexe, c’est de l’instinct, pas de la
décoration.
Le mot « pute » (même chose pour « putain ») n’a pour
moi aucune connotation négative. D’ailleurs, ma pute est
probablement la meilleure amie de ta pute. Oui, on en a
toutes une. C’est la fille en nous qui rêve de répondre à ses
pulsions sexuelles sans culpabilité…
…..Même si tu es mère de trois enfants et en couple depuis
quinze ans, que ta repousse de cheveux date de six
mois et que tu as une hypothèque pour une maison en banlieue …il y a une pute en toi. C’est possible qu’elle soit en sabbatique depuis quelques années, mais elle est là, bien relaxe, et elle reste en vie avec ses souvenirs de nuits chaudes du passé ou ses fantasmes encore secrets….
Puis viennent les 21 histoires de sexe le plus souvent sans lendemain, avec des hommes tous très différents. Charlie donne un surnom à tous ses amants, le premier qui ouvre le récit de ses aventures s’appelle Fiasco. La descriptions de ses partenaires est toujours très précise, presque cinématographique, il y a une belle énergie dans le rythme et l’écriture, aucune concession à la réalité, que ses baises soient réussies ou pas, Charlie garde le cap, son rapport aux choses du corps, son propre corps comme celui des hommes relève de la pleine conscience. Charlie se libère dans ses désirs et dans sa sexualité, elle se sent belle, elle est grosse ? et alors ? elle apprivoise son corps, sa chair et elle en est belle, les hommes la désirent, sa force de vie, sa chair désirante les séduisent. Ce qui les séduit en tout cas sûrement, c’est sa façon d’être au monde, pleinement au monde, en phase avec ses propres envies.
Le roman de Mélanie Couture est libératoire. Une femme tout comme un homme, peut avoir envie de sexe sans aimer, une femme peut ne pas être normative physiquement et jouir de son corps. Le féminisme le plus efficace n’est-il pas de mépriser le regard des moralisateurs et de compter d’abord sur soi pour prendre les rênes de ses désirs de vie, avec une bonne dose d’humour ?
un concours pour les lecteurs français est organisé jusqu’au 31 mars pour gagner un exemplaire de 21 amant, c’est sur FB et ça se passe là
Vous pouvez trouver ce roman sur Amazon.ca , jil n’est pas encore présent dans les librairies françaises. Dommage.
Mélanie Couture, 21 amants, sans remords ni regrets, Editions Recto Verso, Canada.