la renommée juteuse du porno pour maman : affligeant.

Affligeant, c’est bien le seul mot qui me soit venu à l’esprit en lisant l’article  intitulé « Un porno dans le panier de la ménagère » dans Le Monde du vendredi 10 août.

Non pas que Macha Sery, la journaliste le soit, affligeante, mais chaque ligne de son papier me fait bondir pour des raisons diverses.  Tout d’abord la journaliste traîtresse participe allègrement au caractère  sous-jacent complètement phallocrate de l’affaire, en titrant son papier ainsi, reprenant l’international cliché de la  femme- maman-ménagère  qui prétend revendiquer sa sexualité et son envie de s’éclater au grand jour.  Il est tout à fait insupportable  qu’une femme soit automatiquement reléguée à son statut de maman ou de ménagère dès qu’il s’agit d’évoquer ses goûts, ses manies, ses revendications, sa manière de vivre. Même si cela tient d’un fait  sociétal ou de mode. J’y vois une manière même pas sournoise mais ostensible de la cantonner dans ces rôles quelles que soient ses prétentions à être ce qu’elle a envie d’être. Parce qu’il me semble bien que si un best seller érotico-porno écrit par un homme pour les hommes squattait les tables des libraires et les pages Culture, on ne titrait pas « le porno pour papa ». Parce qu’aujourd’hui dans les livres on écrit que  c’est maman qui fume la pipe, les hommes auraient-ils peur de ces femmes qui  déposent leur gants Mappa et osent s’emparer de leur sexualité, d’en jouer et même pas en se cachant ?  Les termes « ménagère » et « maman » sont expressément employés dans les médias comme si ces mots étaient les derniers remparts pour contenir les femmes là où elles doivent rester, c’est à dire dans leur ménage à tenir et leur famille à entourer de leurs bons soins. C’est un premier point de mon énervement.

Je passerai sur  l’estival marronnier  sea sun and sex qui remplit le vide sidéral des journaux des mois de juillet-août. Tout comme je ne ferai que sourire du fait que Le Monde se pique de publier un extrait de Fifty Shades of Grey, » l’audace » est aussi un ingrédient de saison chaude. Le dit extrait d’ailleurs, révélant la teneur de ce porno qui n’en est pas du tout, juste un gentil érotisme fleur bleue qui n’a rien de renversant ni de nouveau, ni dans le propos ni dans l’écriture, fade et gnan-gnan :

[….j’entends un autre bruit de glaçon, et je le sens ensuite le glisser autour de mon téton droit tandis qu’il tire le gauche avec les lèvres. Je gémis en résistant contre l’envie de bouger. C’est une torture si douce et si déchirante. « Si tu renverses le vin, je ne te laisserai pas jouir » « oh…s’il vous plaît…Christian…Maître…S’il vous plaît » Il me rend folle. Je l’entends sourire….]  […Le sexe est incroyable, il est riche, il est beau, mais tout ceci  ne veut rien dire sans son amour, et ce qui me fend le coeur, c’est que je ne sais pas s’il est capable d’aimer…]

Bon, ça peut plaire, après tout Marc Levy vend des millions d’exemplaires de gentilles histoires.

Mais quand je lis que les éditions  Jean-Claude Lattès se frottent les mains d’avoir acquis les droits d’auteur de ce best seller vendu à 40 millions d’exemplaires, je m’étrangle..La littérature érotique en France est regardée comme le vilain petit canard, jamais relayée dans les pages cultures hormis l’été, les Services de presse jamais lus dans les rédactions, les comités de lectures  des maisons d’édition écartant les manuscrits sexe dès la première page prétextant que ce n’est pas leur ligne éditoriale ou que l’érotisme n’intéresse pas les lecteurs…MAIS…mais…. si l’alléchant jus des mamans en chaleur coule en or sonnant et trébuchant..alors là, ça change tout ! fi de la qualité littéraire de l’ouvrage dont on pourrait trouver tout au moins aussi bien chez d’autres auteurs qui soumettent régulièrement  leurs textes (ce n’est pas du dépit puisque mes livres sont publiés chez Blanche, Pocket  et chez Hors Collection),  Lattès publie, même hors ligne éditoriale, cet ouvrage qui ferait bonne figure aux éditions Harlequin rose.

Voici l’argument des éditions Lattès : [..C’est une très bonne  histoire d’amour, dépourvue de souffrance, qui évolue de manière très positive. L’héroïne soumise au début, prend finalement le dessus.]

J’avoue que je n’imaginais pas qu’un éditeur puisse émettre un tel jugement moral sur les histoires d’amour…L’amour dépourvu de souffrance…ça existe ça, ailleurs que dans les faukon-yaka  ???

Il ne s’agit pas de juger du bien fondé de l’engouement de ces femmes pour le sexe ou pour une prétendue pornographie,  je n’y vois après tout qu’un mignon doigt d’honneur en direction des bien-pensants, car je  peux vous assurer que les femmes que je rencontre lors de signature sont tout à fait  l’aise pour aborder cette littérature, elles y viennent sans détour, même en néophytes quand les hommes font trois fois le tour de la table en cercles rapprochés pour venir me parler.

Non, ce qui m’agace profondément c’est qu’une fois de plus, c’est l’aspect marketing et monétaire qui fait monter la mayonnaise. Tous sont montés sur la vague et surfent sur la crête. 904 boules de geisha vendues chez Coco mer à Londres après publication du livre, 300% de hausse de ventes sur sites spécialisés en Grande Bretagne, 852 pinces de seins commandées en un mois  rapporte Macha Sery dans son article, et en Allemagne on a dû instaurer les 3×8 dans une usine pour faire face à la demande. Après ça qu’on vienne prétendre que le sexe et les livres érotiques n’intéressent pas…Les hôtels s’y sont mis en proposant des nuitées avec réjouissances coquines,  des vêtements, lingeries,produits de beauté, bijoux labellisées Fifty Shades font leur beurre érotique. Ceci ne va pas sans quelques dommages collatéraux puisqu’un anglais a été condamné à une amende et des travaux d’intérêt général pour avoir giflé sa femme  et aspergé de greavy parce qu’elle lisait un livre porno.

Le pompon revient au respectable Larousse qui,  pour participer au festin, publie  le 6 novembre  un guide d’éducation sexuelle affriolant avec « des techniques sexuelles qui décoiffent » et des chapitres « Pan sur les fesses », « Attache-moi » , « allume-moi »… Si le nom de Larousse peut tinter plus joliment à l’oreille des chroniqueurs, je leur rappelle tout de même qu’une multitude de guides semblables, dans la collection Osez, existent déjà  depuis belle lurette à  →La Musardine, rédigés de façon drôle. Le prestige du label Larousse ne changera rien au claquement de la lanière sur le cul, ni aux marques de la corde sur la peau et encore moins à ce qui chatouille dans le bas du ventre.

Enfin venons-en aux commentaires lus ça et là sur l’aspect SM soft  de l’ouvrage. Ben oui, ai-je relevé partout sous des signatures masculines et parfois  hélas féminines, c’est bien  la preuve que  les femmes aiment ça, obéir, se soumettre, c’est dans leur nature !  40 millions de femmes au moins  s’émoustillent à être fessées  et à marcher à quatre pattes, les chiffres ne mentent pas. Oui, j’avoue que même si les charmes du jeux de la  soumission sont effectivement appréciés des femmes, j’aimerai trouver dans la littérature érotiques d’autres pistes à explorer qui nous changent de ces figures vieilles comme le monde, solidement ancrées dans le plaisir douleur inhérent à la vision religieuse du corps – désirant qui doit expier.

Mais enfin, ne nous y trompons pas ! Les jeux sont aussi faits pour  faire comme si, on dirait que..on joue comme des enfants à la maîtresse et à l’élève, au gendarme et au voleur, aux cow-boys et aux indiens, à Barbie et Ken.  Et l’asservi est plus souvent le maître, esclave de sa soumise, ne respirant plus que par son souffle court. Et attention ! J’ai vu ma fille maltraiter Ken quand elle était petite, elle lui faisait mettre des volées par Barbie. D’ailleurs, messieurs,  lisez ceci ici dans ce boudoir,   garez vos fesses et tremblez, de plaisir bien sûr, à imaginer ce qui vous attend quand dans la tête et le ventre de votre amante aura germé la petite graine que votre main de fer aura plantée. Parce que vous ne le savez pas encore, mais vous aimerez-cela…

Pour en revenir à la qualité littéraire de ce best-seller, j’aime beaucoup la conclusion amusante du papier de Macha Sery :

→ Sur Marianne, un autre article sur le sujet, qui pointe les réactions pudibondes ou féministes et souligne l’aspect nunuche du best-seller.

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